L'anthropologue Luiz Fernando Dias Duarte, directeur-adjoint du Museu Nacional, et qui en fut naguère directeur, a donné cet entretien le 3 Septembre 2018 à ABRASCO Le Musée National, la plus ancienne institution scientifique brésilienne et le plus ancien musée du pays, a été détruit par un immense incendie dans la nuit du dimanche 2 Septembre. Les premières flammes sont apparues vers 19h30, alors que le bâtiment historique du Parc de Boa Vista (Quinta da Boa Vista), situé au nord de Rio de Janeiro, était déjà fermé au public. L’anthropologue Luiz Fernando Dias Duarte, directeur-adjoint du Musée National, raconte dans une interview ce matin à Abrasco, qu’il ne sait pas par où commencer pour commenter les évènements de la nuit passée : « C’est difficile de savoir ce dont il est le plus important de parler, mais tout d’abord je veux souligner cette question, récurrente et qui se pose depuis bien longtemps, de l’irresponsabilité du gouvernement fédéral à l’égard du patrimoine et de la science. Sa négligence s’est aggravée dans le cadre des politiques menées dernièrement, mais ce problème existe depuis bien plus longtemps. En 2013, nous avions réussi à faire passer un amendement parlementaire qui aurait permis que 20 millions de reais [environ 7,5 millions d’euros à l’époque], ce qui aurait constitué un apport précieux, soient alloués à des initiatives de rénovation et de protection pour le bâtiment. Mais l’amendement a été supprimé et nous n’avons pas obtenu un seul sou. Depuis deux ans, nous avons été en négociation avec la BNDES [Banque brésilienne de développement] pour obtenir des financements. Une somme de 21 millions de reais [environ cinq millions d’euros] venait d’être débloquée pour diverses interventions au palais, y compris l’installation d’un nouveau système de protection et d’alerte incendie. Quand on voit ce qui s’est passé, c’est terriblement ironique que cette somme n’arrive que maintenant. Tout cela est extrêmement fâcheux. Il est clair que le musée était sous la responsabilité fédérale mais nous avons aussi essayé de solliciter les responsables au niveau national et au niveau municipal, à cause de l’importance des collections. Mais il n’y a jamais eu aucun soutien, ni de l’État ni de la Municipalité et, à mon avis, il est symptomatique qu’en juin dernier, lorsque nous avons organisé la fête des 200 ans du Musée, nous n’avons reçu la visite ni du maire, ni du gouverneur, ni d’aucun ministre brésilien. C’est une manifestation patente de désintérêt, un signe remarquable de négligence. Dias Duarte a dit aussi que si on avait alloué au Musée national la moitié de ce qu’ont coûté les stades construits pour la Coupe du monde de 2014 au Brésil « cette institution serait intacte et rutilante, rivalisant avec n’importe quel autre musée d’histoire naturelle du monde. Ses collections étaient très précieuses, et elles ont toutes disparu… C’est affreux de penser à la destruction de chacune de ces collections, des laboratoires, des équipements, toutes ces choses acquises à la sueur des fronts, sur plusieurs générations. Aujourd’hui je suis en colère et au désespoir face à l’inconscience de l’administration fédérale vis-à-vis de tout ce qui relève de l’identité de la nation, de la tradition, la restauration et la conservation du patrimoine. L’Université Fédérale de Rio de Janeiro – UFRJ – a été sévèrement touchée. Le bâtiment du rectorat a brûlé et nous avons presque perdu le Musée Dom João VI de l’École des Beaux-Arts (Escola de Belas Artes). La Chapelle du Palais Universitaire sur le campus de la Praia Vermelha a été consumée par les flammes, elle est couverte par une bâche plastique à ce jour et la restauration n’a pas encore commencé. Tous les édifices historiques de Rio de Janeiro risquent la destruction, l’un après l’autre, quand on voit les égards que nos gouvernements ont pour la culture, le patrimoine et la science. Je vois encore la météorite de Bendegó [une des rares pièces restées intactes après l’incendie], impavide dans les ruines et la cendre… ». D’une voix éteinte, Luis Fernando interrompt l’entretien : « Nos enfants apprendront de ce désastre, et j’espère qu’ils prendront conscience de ce que cela signifie et quel défi représente la protection du patrimoine et de la science pour ce triste pays ». (Traduction : collectif de soutien au Museu Nacional) ABRASCO, Associação Brasileira de Saúde Coletiva
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